OPINION : Le défi d’IBK, sécuriser un peuple qui ignore qu’il est guerre!

Nous sommes en guerre, il paraît ! Le frère en deuil que je suis, comme des milliers d’autres familles, ne le sais que de trop ! Pourtant, lorsqu’on arpente la ville de Bamako, de nuit comme de jour, on n’a pas l’impression d’être dans un pays en guerre. Chacun vaque à ses occupations, ses petites besognes. Oui, comme des petites abeilles besogneuses, le plus souvent en trahissant la nation, nous occupons nos journées. La guerre, c’est l’affaire des soldats et des politiques, pourvu que nous mangions du riz à midi et que nul ne vienne fourrer son nez dans nos affaires, aux antipodes de toute idée de reconstruction d’une nation ébranlée, d’un État en faillite.

 

Premiers à revendiquer des droits, nous ignorons totalement la notion de devoir, de patriotisme. Nous sommes également les premiers à critiquer toutes décisions qui ne vont pas dans le sens de nos intérêts. Affligés, il faut l’avouer, par les conséquences de la mauvaise gouvernance, trentenaire certes mais récurrente, nous perdons de vue l’essentiel : un Mali unitaire et en paix ! C’est devenu un rêve ! Le chef, dépassé par les événements, tente bien que mal de sécuriser un pays dont la population ignore qu’elle est en guerre. Le résultat est un échec cuisant aussi parce que nous avions compris que les étrangers venaient se substituer aux maliens pour faire la guerre.

Or, ces étrangers, que nous avons appelés à un moment critique, ont des agendas et des missions complexes pour le citoyen. Alors celui-ci aime l’idée que les étrangers balayent devant nos portes et ne manque pas de scander, « dehors la MUNISMA, dehors la France !», quand une tuerie est commise.

Je ne serai pas surpris que les étrangers soient là effectivement pour défendre leurs propres intérêts. Une amitié entre Etats se résume à l’existence d’intérêts réciproques. C’est aux maliens de collaborer dans les intérêts supérieurs de leur pays et non le contraire. Il nous appartient donc de veiller à ce que cette présence étrangère œuvre conformément aux missions définies dans l’intérêt supérieur du peuple malien.

 Mais comment pourrait-on défendre l’intégrité du territoire ? Nous avons démantelé notre armée, corrompu nos institutions et entériné la division de ce pays. Les autorités actuelles, qui ont hérité des méfaits de cette démocratie mal comprise, poursuivent les mêmes approches de gestion de crises au lieu d’anticiper. Les technocrates, qui rejoignent l’équipe gouvernementale, sont recrutés pour gérer les crises du moment et ne peuvent donc faire de prospective.

Par ailleurs, accusées pour leur laxisme, le luxe insolent dans lequel certains vivent illégitimement, les autorités ont perdu leur crédibilité.  La guerre fait des victimes par milliers alors le peuple accuse les généraux pour leur manque de discernement, d’esprit d’initiative et une incapacité avérée à lutter contre un groupuscule aux intentions connues et malveillantes. Peut-être sont-ils occupés à festoyer ?

C’est peut-être cet accord de paix, aux contenus mystiques pour les maliens, qui pourrait nous mener à une paix incertaine. Le contenu de cet accord mériterait d’être explicité pour rassurer le malien. Les autorités ne peuvent donc pas occulter ce débat au risque de vider le dialogue inclusif de son intérêt.

Le peuple est tout aussi coupable d’avoir délaissé un État divisé et acculé par les ennemis de l’intérieur. A Bamako les mariages somptueux, à coût de millions, sont célébrés fréquemment. Nul ne s’en offusque. Mais quand il s’agit de contribuer à l’effort de guerre, notamment en payant ses impôts et autres contributions, le citoyen gronde. Oui il est généralement réfractaire à l’accomplissement des devoirs citoyens, certainement parce qu’il sait que l’État qui perçoit n’en fait pas un usage à bon escient. Alors le citoyen croit être déchargé de ce devoir patriotique. Ce sentiment d’impunité, entretenu par le comportement (corruption, détournement) de ceux-là mêmes qui doivent l’éradiquer, envahit le pays et cause son sous-développement.

Il est constant que, même si le discours populaire et officiel dit le contraire, le communautarisme ébranle l’unité nationale. D’abord, il a toujours favorisé la discrimination dans les administrations et engendré une certaine frustration au sein des groupes exclus. Le terrorisme, l’hydre islamiste, s’est également enrichi de ce communautarisme. Il ne sert à rien de le nier juste pour paraître unis. Nous ne sommes maliens que face aux étrangers.

Cependant, on voudrait qu’un homme, usé par le temps et dépassé par les événements mais patriote à sa façon, parvienne à sécuriser un pays meurtris, décadent et dont la jeunesse, troublée par le manque de repère et de formation adéquate, vivote. Les solutions, que le chef proposera ou imposera, seront inéfficaces ou ineffectives parce que le peuple voudrait vivre dans l’opulence et la sécurité sans en payer le prix.

Acculé, le chef tend la main et embarque à bord du navire, sur le point de chavirer, ses ennemis d’autrefois. D’abord un gouvernement de large ouverture avec une prolifération des ministères budgétivores et aux missions inconnues ou mal comprises. Un partage du gâteau qui ne dit pas son nom ? Mais comme la méthode vise à aboutir à un apaisement social, le moyen semble justifié par la fin.

Ensuite, très avisé, le président initie le dialogue inclusif que certains refusent en avançant des motifs peu convaincants. Oui, les maliens doivent se parler, ce sera certainement le début d’un commencement. Si la forme du dialogue déplaît, il faut y participer pour apporter, ensemble, les modifications nécessaires pour parvenir à des solutions concrètes. L’heure est critique, il n’y a plus de place pour les querelles partisanes à couteau tiré.

Mais au-delà des débats, il faut de l’action, du concret. Ce dialogue coûteux doit être le lieu où les aspirations démocratiques, sécuritaires et économiques du peuple priment sur les considérations partisanes, ethniques et religieuses. Le Triumvirat, aguerri à l’art de la rhétorique, saura jouer son rôle dans l’intérêt supérieur de la nation s’il ne perd pas de vue les objectifs. Sinon, ce dialogue ne serait qu’une diversion.

Je demande pardon aux familles en deuil. J’ai perdu mon frère à Mondoro et sais la douleur qu’elles endurent. Que ceux, qui ont donné leurs vies pour la patrie, reposent en paix !

Dr DOUGOUNE Moussa

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