Blocage du gouvernement : IBK et Boubou envisagent des changements

La pléthore ne rime pas nécessairement avec la qualité. Et donc l’efficacité ! Avions-nous souligné dans ces colonnes. Le constat de l’évidente incapacité à trouver réponse à l’insécurité, les sanglantes déroutes militaires qui deviennent routinières, la compromission de certains ministres dans des affaires de plus en scabreuses et difficilement contenues sous le boisseau, voilà qui horripilerait au plus haut point un Président de la République en peine de formules exécutives, pour l’heure toutes inefficaces les unes que les autres.
Apparemment, en dépit d’une cohorte de 38 Ministres et quelques menus fretins, la mayonnaise, version Boubou Cissé, peine à prendre. L’alchimie d’un accord politique de gouvernement qui a vu beaucoup d’accourus et pas mal d’appelés, dont de gros morceaux, ne parvient cependant toujours pas à transformer le plomb en or. En chassant SBM pour le fidèle Boubou, le Président IBK n’a pas révolutionné les mœurs de la gouvernance au Mali. L’accord politique de gouvernement semble avoir plutôt forcé la main de Boubou Cissé. Le Premier Ministre supporterait de plus en plus mal cette cacophonie annihilant toute tentative de cohérence de l’action publique.
Boubou sur la sellette
Le blocage est tel aujourd’hui que le Premier Ministre n’entretient de rapports de collaboration avec certains membres du gouvernement que par le seul biais d’instructions. Le jeune fort en thème, dont beaucoup ont salué l’arrivée à la primature, tiendrait en piètre estime nombre de ministres avec qui il se contenterait de donner des instructions et d’en demander des comptes rendus. En somme des super-directeurs ! Le Premier Ministre s’offusquerait de plus en plus d’un climat délétère des relations au sein de son gouvernement, car ses initiatives s’avèrent peu productives avec l’inefficacité de certains collaborateurs. Et pour alourdir davantage cette atmosphère malsaine, beaucoup de Ministres rendraient bien la politesse à leur Premier ministre pour qui ils éprouvent une sourde méfiance teintée de mépris. En gardant la haute main sur l’Economie et les Finances avec les DFM toujours sous tutelle, Boubou a tari quelques sources et ses détracteurs ministériels ne se font pas faute d’assurer que depuis les Mines, lui-même ne serait pas un parangon de linéarité en matière d’orthodoxie et que pour en arriver là aujourd’hui, il a dû fermer les yeux sur beaucoup de choses s’il ne s’est livré à beaucoup d’acrobaties, comme les magistrats en avaient soulevé le lièvre dans leurs menaces, l’année dernière contre lui à propos d’une sombre affaire de trois milliards Fcfa dont on n’a plus rien su. Au demeurant, ces ministres, qui ne portent pas tellement Boubou Cissé dans leur cœur, se prévaudraient de leur choix par le Président de la République lui-même. Ce dont Boubou est conscient !
Par ailleurs, le Premier ministre, dans la bonne vieille tradition de l’influent ‘’entourage’’ du Palais, pâtirait tout autant du succès relatif de son passage à Paris, où en dépit de la maladresse tardivement corrigée d’un engagement aux réformes, l’accueil chaleureux de Macron lui aurait causé certaines animosités quant à son poids relatif et la perception qu’on en aurait en ces lieux de pouvoir. De plus, ses relations tendues avec certains favoris du Palais, sur le plan de la sécurité, de la défense et même de l’économie, ne plaideraient pas en sa faveur. En particulier, le Premier ministre, qui ne peut éviter par fonction et par formation une certaine rigueur dans la gestion, serait partisan de mesures parfois radicales dans les dérives économiques et les déconvenues sécuritaires. Pourtant, son patron freinerait à chaque fois des quatre fers et ne passe d’ailleurs pas pour un modèle de cohérence en la matière. Certainement par effet d’annonces dont il est coutumier, IBK renvoie constamment certains hauts responsables lors de crises sécuritaires graves mettant en cause la compétence de la hiérarchie, puis les rappelle à de nouvelles responsabilités plus élevées que celles d’où ils avaient été renvoyés, en augmentant au passage considérablement leurs pouvoirs et leurs influences. D’autres sont maintenus contre vents et marrées en dépit de la traînée de sulfure qu’ils drainent dans leurs sillages. Cela a été le cas entre autres des généraux Dahirou Dembélé, Abdrahamane Baby, Sidy Alhassane Touré, ainsi qu’un de ses successeurs à la Sécurité d’Etat, le Général Moussa Diawara, davantage connu pour son adresse au N’Dombolo et ses irruptions cathodiques et médiatiques comme ‘’représentant spécial du Chef de l’Etat’’. Un jeu présidentiel qui donnerait du tournis à un jeune Premier ministre, adulé en certains endroits. Et IBK, assure-t-on, n’a pour l’heure que des cartes de rechange peu propices à la confiance au plan national ou avec les bailleurs !
De toute façon, le Président de la République serait enclin à lâcher prise, car certains fidèles lui paraitraient aujourd’hui encombrants. A l’image du Général Salif Traoré, l’inamovible et très cathodique Ministre de la Sécurité. Les récentes interventions médiatiques tous azimuts de l’ancien numéro 2 du PSPSDN ne relèveraient pas du hasard. Salif a en effet multiplié ces derniers temps les sorties médiatiques où il s’épanche en stratégies, dont on sait qu’elles ont été jusqu’ici improductives. De fait, le scandale de l’autorisation de la culture du chanvre indien a remué la direction du pays et donc le Palais.
Salif trahit la confiance d’IBK
La compromission du Ministre de la Sécurité, le Général Salif Traoré, mis en cause par sa scandaleuse et dangereuse décision d’octroi d’autorisation de culture du chanvre indien, a ébranlé le Président IBK, s’il ne l’a tout si simplement mis dans une colère noire. Le Chef de l’Etat se serait senti trahi, car il aurait, aux dires de sources proches, accusé le coup de cette attitude controversée de son Ministre de la Sécurité, comme un véritable coup de poignard dans le dos. Comme nos confrères de l’hebdomadaire Aujourd’hui l’ont dénoncé, le Général Salif Traoré aurait pris cette décision lourde de conséquences et aux implications incalculables, sans recourir à la nécessaire collaboration entre différents départements dont les compétences sont requises en la matière, genre Ministères de la Santé, du Commerce, de l’Economie et des Finances, et même la consultation de certaines chancelleries avec les pays desquelles le Mali est engagé par des accords de lutte contre les stupéfiants.
Au plan international, l’image du Mali semble avoir durablement pâti de cet acte, car selon certaines sources diplomatiques, quelle que soit la qualité derrière laquelle on s’abrite, autoriser le plus officiellement du monde la culture du fameux ganja des rastas peut ouvrir la porte à des dérives incalculables. Certains opposants, se défendant de jeter de l’huile sur le feu, n’en assurent pas moins avec perfidie que ce genre de choses n’arrive que sous le régime d’IBK, dont la gouvernance s’y prête à merveille.
La gouvernance est actuellement au plus mal au Mali. IBK est sérieusement secoué par ses échecs répétés sur le plan de la sécurité avec plus d’improvisations que de planification, la multiplication des scandales financiers éclaboussant parfois le Palais à travers ses proches ainsi que ses propres maladresses dans ses relations avec la classe politique. D’où son inclination à vouloir encore une fois de plus nettoyer les écuries d’Augias qu’il offre constamment au pays en guise de gouvernement. Le prétexte serait le terme d’une année imparti à l’accord de gouvernement pour produire ses effets. Mais comme visiblement le pays semble davantage s’enfoncer, le premier trimestre de l’année prochaine serait une option envisagée.
Toutefois, il faut se garder de toute certitude en la matière, car les changements d’exécutifs relèvent, plus singulièrement au Mali, de la géomancie et répondent plus des humeurs matinales du Palais et de ‘’Ma Famille d’abord’’ qu’à des impératifs de gouvernance.
Yaya Traoré/La Révélation