République du Mali:Les défis de la transformation économique et sociale

Une croissance économique forte est un des meilleurs moyens pour augmenter les revenus des populations, améliorer leurs pouvoirs d’achat et leurs conditions de vie. La compétitivité et le capital humain constituent de véritables défis pour la transformation économique et sociale du Mali de 1960 à 2020. Mais l’Etat doit créer un environnement propice pour la stabilité socio-politique, la paix et la sécurité qui constituent des préalables pour le développement durable.

De nombreuses études empiriques suggèrent qu’une croissance économique forte, soutenue et équitablement partagée dans un pays, est un des meilleurs moyens pour augmenter les revenus des populations améliorant ainsi leurs pouvoirs d’achat et leurs conditions de vie. La compétitivité qui est définie comme l’ensemble des facteurs de production, des services et institutions et des politiques publiques influant sur le niveau de productivité d’un pays, de même que le capital humain qui contribue à transformer les économies et à promouvoir la croissance avec des impacts positifs conséquents sur le bien-être et la prospérité des populations, constituent de véritables défis pour la transformation économique et sociale du Mali de 1960 à 2020.
Dès la proclamation solennelle de l’indépendance de la République du Mali, le 22 septembre 1960, les dirigeants élaborèrent un plan quinquennal de développement économique et social (1961-1965) dont l’un des principaux objectifs au plan économique était de : «développer la production agricole et animale dans un cadre socialiste pour assurer l’indépendance alimentaire et augmenter les exportations, implanter des infrastructures de transport conformes aux besoins du pays, implanter des unités industrielles pour valoriser les productions locales afin d’éviter les importations onéreuses, accentuer les recherches minières et énergétiques pour jeter les bases d’une industrialisation, diriger et contrôler l’économie du pays par une prise en charge progressive des secteurs clés par l’État, développer la conscience nationale, former des cadres et mobiliser les masses populaires».
Le plan quinquennal de développement économique et social (1961-1965) qui a été adopté le 18 août 1961 par l’Assemblée nationale et promulgué par décret présidentiel le 1er septembre 1961, prévoyait des investissements totalisant 105,4 milliards de FCFA soit un taux annuel de 23% du Produit Intérieur Brut (PIB) dont 40% sur financement intérieur. Il fixait comme objectif un taux de croissance annuel de 8% et une réduction du déficit de la balance commerciale de 1,5 milliard de FCFA dès 1964. La répartition sectorielle du financement du plan quinquennal de développement économique et social (1961-1965) était la suivante ; 1) les infrastructures (49%) ; le développement rural (26%) ; le développement social etadministratif (11%) ; les industries manufacturières (6%) ; l’énergie hydraulique (6%) et la recherche minière (2%). Malgré tous les efforts fournis par les autorités maliennes, le taux de croissance ne put atteindre 3% suite à la baisse de la production agricole, au déficit budgétaire et un endettement intérieur et extérieur croissant et un déficit de la balance des paiements insoutenable compromettant ainsi les équilibres macroéconomiques déjà fragiles et mettant en péril les ambitions des dirigeants maliens et conduisant au renversement de la 1ère République du Mali. « Actuellement, le Cadre Stratégique pour la Relance Économique et le Développement Durable (CREDD 2019-2023) est l’unique référentiel pour les politiques et stratégies de développement du Mali». Cette stratégie de développement a pour objectif principal : « Un Mali bien gouverné, où le vivre ensemble harmonieux des différentes composantes de la société est restauré, la paix consolidée et la sécurité collective et individuelle assurée dans l’unité, la cohésion et la diversité, où le processus de création de richesse est inclusif et respectueux de l’environnement et où le capital humain est valorisé au bénéfice notamment des jeunes et des femmes ».
Dans le scénario tendanciel d’une croissance du PIB de 4,9%, le coût global de la mise en œuvre du CREDD (2019-2023) s’élève à 13 876 milliards de FCFA, hors service de la dette publique, soit une moyenne annuelle de 2 775,2 milliards de FCFA :
– L’axe stratégique1 – Consolidation de la démocratie et l’amélioration de la gouvernance serait financé au total à hauteur de 2 841 milliards de FCFA sur la période 2019-2023, soit une moyenne annuelle de 568,2 milliards de F CFA et 19,4% des dépenses totales.
– L’axe stratégique 2 – Restauration de la paix, de la sécurité et renforcement du vivre ensemble serait couvert à hauteur de 2 392,7 milliards de FCFA, soit en moyenne, 478,5 milliards de F CFA par an et 16,3 % des dépenses totales.
– L’axe stratégique 3 – Croissance inclusive et transformation structurelle de l’économie, recevrait au total 4 518,5 milliards de FCFA, soit en moyenne 903,7 milliards de F CFA par an et 30,8 % des dépenses totales.
– L’axe stratégique 4 – Protection de l’environnement et renforcement de la résilience au changement climatique bénéficierait d’un montant total de 335,5 milliards de FCFA, soit une moyenne annuelle de 67,1 milliards de F CFA et 2,3% des dépenses totales du CREDD.
– L’axe stratégique 5 – Développement du capital humain serait pris en charge à hauteur de 3 788,3 milliards de F CFA, soit une moyenne annuelle de 757,7 milliards de F CFA et 25,8% des dépenses totales du CREDD 2019-2023.
Le Mali est un des pays plus vaste pays d’Afrique avec une superficie de 1 231 248 km2, il est semi-désertique, avec une faible densité de la population. Soixante ans -60 ans- après l’indépendance, l’économie du Mali a peu évolué pour aller vers une transformation structurelle. Le Mali possède une économie spécialisée très peu transformée (l’or, le coton et les animaux vivants) constituant environ 90% des exportations et très vulnérable aux chocs exogènes (fluctuations des prix des produits de base, conséquences du changement climatique, et insécurité). Quant aux importations, elles concernent essentiellement les produits pétroliers, les biens d’équipement, les matières premières, les biens intermédiaires, les produits alimentaires et les biens de consommation courante. La dépendance aux exportations des produits de base affaiblit les leviers macroéconomiques, suscitant des tensions et des compromis entre les politiques de renforcement de la croissance et les politiques de stabilisation. En conséquence, et comme il est souvent préconisé, diversifier l’économie et entreprendre des changements structurels profonds exigent la mobilisation d’importantes ressources longues pour financer le développement. Selon la Banque Mondiale, ces facteurs, conjugués à une croissance démographique parmi les plus élevées au monde (environ 1% en 1960 et 3% en 2019), favorisent l’insécurité alimentaire, la précarité et l’instabilité. L’indice de développement humain (IDH) des Nations Unies classe le Mali au 182e rang sur 188 pays en 2019.
En 2019, le Mali comptait 20 millions d’habitants et le Produit Intérieur Brut (PIB) se chiffrait à 17,83 milliards $ soit un revenu par habitant de 934 $. Le PIB est un indicateur économique très utilisé, qui mesure la valeur totale de la production interne de biens et services dans un pays donné au cours d’une année donnée par les agents résidents à l’intérieur du territoire national. Selon la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) au Mali est soutenu par les investissements publics des secteurs primaire (développement rural) et tertiaire (commerce et services),…) soit 39,3% du PIB et tertiaire (commerce et services) soit environ 36,7% du PIB en 2018. En 2014 le taux de croissance du PIB qui était de 7,1 % a atteint 5,3 % en 2017, puis 4,7 % en 2018, et enfin 5,6 % en 2019. L’accumulation du capital physique et l’accroissement de la capacité de production de l’économie constituent l’un des moyens de parvenir à une croissance tirée par les exportations.
L’incidence de la pauvreté est beaucoup moins élevée dans les zones urbaines car le pouvoir d’achat est plus important que dans les zones rurales qui contiennent environ 90 % des populations démunies surtout au sud du pays, où la densité démographique est plus forte. Après avoir augmenté entre 2011 en 2013 du fait de la crise sécuritaire, on estime que le taux d’extrême pauvreté a légèrement baissé, passant de 43,4 % à 41,3 % entre 2017 et 2019, grâce à la production agricole exceptionnelle de ces trois dernières années.
Toutefois, la pandémie de la Covid-19 risque de faire basculer un million de personnes supplémentaires dans la pauvreté et dans l’insécurité alimentaire suite à la prévision d’une baisse d’au moins 4 points de pourcentage de la croissance du PIB qui était initialement estimé à 5% en 2020. Aussi, les difficultés s’annoncent dans le secteur cotonnier dont la production pour la période 2020/2021 sera beaucoup moindre que de par le passé. Selon la Banque Mondiale (2019), l’inflation a légèrement diminué, passant de 1,8 % en 2017 à 1,7 % en 2018, sous l’effet de conditions météorologiques favorables et de la bonne production agricole qui en a résulté même si les prix des produits alimentaires poursuivent une tendance à la hausse.
Il y a lieu de noter que la croissance des investissements matériels et de la productivité totale des facteurs (se définissant comme étant le taux de croissance du PIB qui ne peut s’expliquer par la formation de capital ou la croissance de la population active) en Afrique en général et dans les pays à revenu faible comme le Mali ont moins augmenté par rapport au reste du monde. Une augmentation du coût des investissements en capital physique entraine inexorablement une baisse des investissements publics et privés et de la croissance économique en Afrique engendrées par les crises socio-politiques, l’insécurité, la mauvaise gestion des ressources, et la déficience et/ou insuffisance des infrastructures de production (énergie et eau) et de communication (routes, ponts, ports, aéroports, réseaux ferroviaires…).
En réalité, les principales priorités en matière de développement sont la simplification de la règlementation, l’instauration d’un véritable Etat de droit, l’amélioration des infrastructures, le renforcement des capacités de production, l’exploitation des possibilités de diversification des exportations et l’identification des secteurs présentant un potentiel élevé de valeur ajoutée et de chaîne des valeurs. Le financement de l’industrialisation et de la transformation économique et sociale est très onéreux et exige en priorité des ressources intérieures importantes pour faire face aux coûts de financement élevés. Les recettes publiques et l’épargne privée constituent les principales ressources financières intérieures au Mali. Il y a lieu de réduire substantiellement la dépendance du Mali par rapport à l’aide publique au développement (APD) dont les flux sont en baisse, imprévisibles et souvent assortis de conditionnalités qui retardent les taux de décaissement. Aussi, le gouvernement doit améliorer l’efficacité de sa fiscalité, réduire substantiellement les flux illicites de capitaux vers l’extérieur, mieux capter (ou formaliser) le secteur informel, éliminer les préférences fiscales (exonérations) et améliorer la transparence et l’équité dans la négociation des contrats avec les sociétés multinationales surtout dans les domaines des télécommunications et des mines. Aussi, l’amélioration de la performance du système financier est essentielle pour mobiliser l’épargne intérieure afin de financer les besoins d’investissement. De même l’utilisation judicieuse des richesses en ressources naturelles peut contribuer à stimuler le financement public de la transformation économique et sociale. Au-delà de l’amélioration de ses échanges commerciaux et financiers, il est important de renforcer le capital humain en offrant des emplois aux jeunes qui constituent la majorité de la population, près de la moitié de la population malienne ayant moins de 14 ans. Il doit s’agir d’emplois décents et durables afin d’améliorer la productivité et la compétitivité, en renforçant la demande intérieure, en diversifiant la production et l’exportation des biens et services à plus forte valeur ajoutée, en améliorant l’accès aux services sociaux de bases, en renforçant la protection sociale,tout en réformant la règlementation du travail. Enfin, il sera important de mettre l’accent aussi surl’urbanisation et la réallocation des ressources les plus productives vers des secteurs à forte intensité d’exportation et bien intégrés dans les chaînes de valeur mondiales semble indispensable pour faire augmenter la croissance de la productivité. Toutefois, les politiques industrielles, les politiques d’investissement et de financement de l’économie doivent impérativement s’articuler autour d’une vision politique clairement définie. Et l’Etat doit s’atteler à créer un environnement propice pour la stabilité socio-politique, la paix et la sécurité qui constituent des préalables pour le développement durable.

 

 

Modibo Mao Makalou a été membre de 2004 à 2012 du Groupe de Travail sur l’Efficacité de l’Aide du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE) basé à Paris (France). Le CAD fournit environ 90% de l’aide au développement des pays industrialisés.
A ce titre, il a coordonné l’Enquête de l’OCDE et du Partenariat Stratégique pour l’Afrique de la Banque Mondiale sur l’Alignement des Appuis Budgétaires sur les Stratégies Nationales de Réduction de la Pauvreté au Mali (2004). Il a participé à la rédaction de la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide adopté par le 2nd Sommet de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide (2005) ainsi qu’à l’élaboration de ses indicateurs de performance.
Il a aussi coordonné les enquêtes pour la mise en oeuvre de la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide (2006 et 2008) au Mali et a activement participé à la rédaction de l’Agenda d’Action d’Accra pour l’Efficacité de l’Aide adopté par le 3eme Sommet de Haut-Niveau sur l’Efficacité de l’aide. (Ghana, 2008).
Il a été par la suite nommé en 2011 Sherpa pour les 54 pays africains par la Commission de l’Union Africaine et du NEPAD en vue d’élaborer le document final du 4eme Sommet de Haut-Niveau sur l’Efficacité du Développement qui s’est tenu à Busan (Corée du Sud) du 29 novembre au 1er décembre 2011 avec environ 3000 participants.
Monsieur Makalou a participé à de nombreux ateliers et séminaires sur les partenariats public-privé et les financements innovants pour le développement. Il a été très actif au niveau de l’obtention du financement d’un don de 240 milliards FCFA du Millenium Challenge Account (MCA) en 2007 et de la privatisation de 51% de la SOTELMA (société des télécommunications du Mali) pour un montant de 180 milliards FCFA en 2009.
Il a été administrateur suppléant (2004-2008) au sein de la société de capital-risque Afrique Initiatives basée à Paris et présidé par l’ancien premier ministre français Michel Rocard. Aussi, il a occupé d’importantes fonctions au sein de la direction financière de BHP Minerals, une des plus importantes sociétés minières au monde à Syama et Bamako (1993), à la direction commerciale de Shell Mali, une très importante société pétrolière (1995), et a coordonné la gestion administrative et financière d’un projet d’exportation de produits d’élevage (1996) pour le compte de l’Agence Américaine de Développement (USAID).
Mr. Makalou avait créé une société de commerce international au Mali en 1998 puis avait été nommé chargé de mission pour les mines, les nouvelles technologies, l’énergie et l’eau à la Présidence de la République du Mali (2002), ensuite coordinateur de la Mission de Développement et de Coopération (une initiative du Centre Carter et de la Présidence de la République du Mali) en 2004, après Conseiller pour les Affaires Économiques et Financières à la Présidence de la République du Mali en 2014. Enfin Monsieur MAKALOU avait été nommé Coordinateur de l’Unité des Partenariats Public-Privé de la Primature du Mali en 2017. Depuis 2018, il est assistant technique auprès du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales de la République du Mali.
Il est titulaire d’un baccalauréat international de l’Ecole Internationale Européenne de Paris (France, 1984), d’une maîtrise en Economie de l’Université de Montréal (Canada, 1987) et d’un MBA en finance internationale de American University à Washington DC (USA, 1992).

Modibo Mao Makalou
MBA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

maliafrique.ml

GRATUIT
VOIR