Halte au dilatoire !

Le Secrétariat Général du Gouvernement a publié dans le Journal Officiel de la République du Mali (Spécial n°17 du 1er octobre 2020) le Décret n°2020-0072/PT-RM du 1er octobre 2020 portant promulgation de la Charte de la Transition. La publication de ce document était réclamée depuis plusieurs semaines par la CEDEAO mais aussi par de nombreux Maliens.
Reste que sa version finale ne dissipe pas complètement les inquiétudes de la CEDEAO relatives au remplacement du Président de la Transition. Le CNSP et ses fameux experts semblent opter pour le dilatoire. Ils ont biffé l’alinéa 2 de l’article 7 qui autorisait le vice-président à remplacer le Président, mais refusé de mettre dans la charte l’impossibilité pour le vice-président de présider la Transition au cas où…..
La Constitution du 25 février 1992 reste toujours en vigueur. Or selon l’article 11 de cette Loi fondamentale, «tout ce qui n’est pas interdit par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas». À l’état actuel des choses, rien n’empêche le Vice-président d’accéder à la Présidence de la Transition en cas de démission ou de vacances de pouvoir au regard du droit positif malien. Le CNSP et ses experts savent pourquoi ils n’ont pas écrit noir sur blanc que le vice-président ne peut pas remplacer le Président quelle que soit la circonstance.
Sur le début de la Transition, les Chefs d’Etat et le CNSP ne sont pas sur la même longueur d’onde. Pour la CEDEAO, les 18 mois de transition ont commencé depuis le 15 septembre. Or, la Charte est formelle. La Transition a commencé à partir de l’investiture du Président de Bah NDaw.
En fait le médiateur de la CEDEAO, en vieux routier du terrain politique, le Président GoodLuck Jonathan a compris depuis ses premiers échanges au ministère de la Défense et des Anciens combattants les velléités politiques des Colonels du CNSP et a briefé les Chefs d’Etat dans ce sens. Cette perception du Président Jonathan n’est pas étrangère à la fermeté affichée par l’organisation communautaire qui hésite à lever l’embargo imposé au Mali suite au coup de force militaire du 18 août ayant abouti à la démission du Président Ibrahim Boubacar Kéita. La CEDEAO attend encore de voir clair.
Au-delà de l’organisation sous-régionale, les méthodes du CNSP ont provoqué une crise de confiance entre les jeunes militaires de Kati et certaines couches sociopolitiques du pays. Du refus de soumettre la Charte à une plénière lors des concertations du 11, 12 et 13 septembre 2020 au retard pris dans la publication du document, le CNSP et ses experts n’ont pas donné de gage de confiance pouvant rassurer sur leurs bonnes intentions.
4Les méthodes du CNSP s’apparentent à une fuite en avant. Les meneurs des événements du 18 août 2020 semblent être dans les calculs visant à les assurer leurs arrières. Les manœuvres en cours ou à venir pourraient être comprises comme la volonté du Colonel Assimi Goïta et se hommes, qui ont déjà pris goût du pouvoir, de chercher à bénéficier d’une large protection après cette période de transition. Ce dessein expliquerait-il cette méfiance vis-à-vis des forces du changement comme le M5-RFP ou cette hargne à discréditer une certaine classe politique ? A défaut d’être des compétiteurs, les jeunes militaires ont une démarche qui peut être interprétée comme une façon intelligente de confier les commandes à un pouvoir qui peut non seulement les protéger mais aussi leur renvoyer l’ascenseur. A ce rythme, ils risquent de se retrouver dans une situation peu enviable.

Chiaka Doumbia/Le Challenger

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

maliafrique.ml

GRATUIT
VOIR