Entre Nous: Corporatiste et partisane…

«Jamais un pouvoir de transition à l’allure képi ne s’est autant distingué par sa vocation corporatiste et partisane de placer les siens au sommet et dans la structure d’Etat en vue de le prendre en main dans un dessein contraire à l’intérêt général », a tweeté récemment Me Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la Justice du Mali.
Me Konaté a vu juste. Les Colonels du CNSP veulent s’accaparer de tout. Et tout de suite ! Ils ne vont pas se limiter seulement à placer leurs pions au sein de l’appareil militaire et sécuritaire. Après avoir pris la présidence, la vice-présidence, la Primature et certains départements ministériels, ils veulent maintenant faire main basse sur le Conseil national de Transition. Les chiens de garde du CNSP ont commencé à aboyer avec force ce que d’autres murmurent encore, à savoir le choix du Colonel Malick Diaw pour présider cet organe législatif.
Les objectifs des Colonels du CNSP sont clairs à présent : faire main basse sur tous les segments de l’Etat, afin d’assurer ses arrières mais aussi d’influencer sur le choix du futur président de la République. Au gré de reniement des engagements pris, ils ont oublié l’essentiel de leurs missions de sécurisation et de défense de la patrie. Quel gâchis pour le Mali et ses partenaires de voir des jeunes officiers formés à coups de millions au métier des armes s’adonner à une course effrénée pour la jouissance du pouvoir !
Quand ceux qui ont prêté serment de défendre la patrie prennent plaisir à s’engouffrer dans des bureaux climatisés, cela est inquiétant ! Lorsqu’ils ont, pour ce faire, le soutien de certains de ceux qui ont fait sortir les jeunes, dont certains ont perdu la vie, c’est le comble ! Où est la dignité ? Où est parti le sens de l’honneur ? S’y ajoutent ces petits parvenus surgis du néant pour prendre d’assaut la Place publique qui, grâce à l’utilisation perverse des réseaux sociaux, se prennent pour des faiseurs d’opinion.
L’essayiste et romancier italien, Umberto Eco (1932-2016) a eu les mots justes pour qualifier ces quidams. «Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel », écrivait-il.
Ceux-ci doivent avoir la décence de se taire afin de ne pas souiller davantage la mémoire des jeunes martyrs de Badalabougou pour une meilleure cause que des prébendes ministériels et des strapontins au CNT. Après avoir troqué, toute honte bue, leur dignité au nom de la politique du tube digestif, les voilà en train de se servir des cadavres de ces jeunes comme échelle.
Les manœuvres des Colonels du CNSP devraient plutôt servir de leçon aux acteurs politiques maliens, dont l’inconséquence à donner la chance à une alternance pacifique a abouti au chaos actuel. Tant que cette race de politicards mettra en avant ses intérêts égoïstes au détriment de ceux du pays, la démocratie vacillera comme en mars 2012 et août 2018. Le Mali renouera avec la stabilité institutionnelle le jour où la classe politique s’investira véritablement pour leur pays.
Chiaka Doumbia/Le Challenger