Entre Nous: Manœuvres dilatoires !

Le Président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) et non moins vice-président de la Transition, Colonel Assimi Goita, a dépêché au siège du Mouvement du M5-RFP, le 25 novembre dernier, une délégation conduite par Colonel-major Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation nationale et Lieutenant Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Une visite de courtoisie, à en croire ces derniers. En tout cas, une première depuis les événements du 18 août.
Ce n’est pas certainement pas de gaieté de cœur que les Colonels reprennent langue avec le mouvement contestataire. Ils sont entre le marteau du front social et l’enclume des acteurs politiques. En effet, le front social est en pleine ébullition sous la houlette de la puissante centrale syndicale : l’Union nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), laquelle vient de déposer sur la table du gouvernement un deuxième préavis de grève après le succès de son arrêt de travail des 18, 19 et 20 novembre 2020.
Quant aux forces politiques en rébellion ouverte, leur courroux est motivé par la mise en place du Conseil national de transition. L’aggravation de la situation sécuritaire rythmée par les attaques quotidiennes n’est pas pour arranger les choses.
Dans une correspondance adressée au Président du CNSP et au vice-président de la Transition, le Comité stratégique du M5-RFP propose « la signature d’un accord de collaboration clair, sincère et loyal pour réussir une transition de rupture et de refondation d’un Mali nouveau en lieu et place de la transition de continuité en cours». Trop tard pour le M5-RFP ?
Ses responsables ont eu tort de croire en la sincérité et la bonne foi des putschistes aux premières heures des événements du 18 août 2020 qu’une bonne frange de l’opinion apprécie aujourd’hui comme une révolution de palais que comme un véritable coup d’Etat. Le grand mystère autour du Général Moussa Diawara et les conditions dans lesquelles l’honorable Karim Keïta a quitté le pays n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Les langues ne tarderont pas à se délier. Si le M5-RFP a réussi la contestation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, il a échoué à éviter les pièges des Colonels du CNPS qui ne veulent nullement avoir sur leur chemin un mouvement fort comme le M5-RFP. Les prises de position faites par certaines composantes du mouvement pourraient s’expliquer par une manœuvre des militaires visant à donner le coup de grâce à ceux-là qui ont animé la contestation contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta pendant plus de deux mois.
Du choix du Président de Transition à la polémique née de la mise en place du CNT sans oublier la désignation du Premier ministre et l’organisation des concertations nationales, le CNSP a fait fi du M5-RFP.
Incapables de fédérer les composantes de la nation autour de l’essentiel, les ses Colonels jouent apparemment la carte de la neutralité tout en divisant pour mieux régner. La militarisation à outrance de l’appareil d’Etat ne rassure pas dans un pays où les hauts gradés doivent plutôt de concentrer sur leur mission de défense de la patrie et de sécurisation des personnes et leurs biens.
Les jeunes officiers ont pris goût à jouer au dilatoire. Ils s’adonnent aux actions à la fois pompeuses et trompeuses de communication afin d’endormir les consciences. Espérons qu’ils ne finiront pas par s’emmêler les pinceaux !
Chiaka Doumbia/Le Challenger