»ENTRE NOUS »: Depuis le 26 mars 1991: De mal en pire !

26 mars 1991-26 mars 2021 ! Exactement 30 ans jour pour jour que tomba le régime du parti unique constitutionnel du général Moussa Traoré : l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) à la suite d’un coup d’Etat militaire parachevant un soulèvement populaire.
Les vannes des libertés publiques ont été ouvertes, même si des menaces planent souvent sur elles pour diverses raisons. Les inégalités sociales se sont plutôt accrues sous le règne des acteurs du mouvement démocratique qui les dénonçaient naguère. La qualité des services sociaux de base laisse plus que jamais à désirer. L’éducation n’existe plus au Mali que de nom tant le niveau frôle le ras des pâquerettes. L’école publique a cessé d’être une préoccupation des pouvoirs publics. Les hôpitaux publics atteints de toutes sorte de difficultés ne peuvent pas grand-chose pour les malades qui les sollicitent. La corruption a atteint un seuil intolérable dans toutes les sphères de notre société. Les citoyens n’ont plus confiance aux institutions de la République.
La conduite des affaires publiques est loin de répondre aux aspirations réelles de la population condamnée. Insolante, sans le moindre scrupule, une minorité de voleurs se la coule douce par des pratiques qui n’ont rien à envier à celles dénoncées avant le 26 mars. L’instauration d’un système de corruption par l’élite gouvernante a tué tout espoir chez les «fous de la démocratie» qui ont bravé le régime militaire pour réclamer plus d’emplois. L’armée s’avère plus que jamais incapable d’assurer ses missions régaliennes de protection de son territoire, de ses populations et de leurs biens. L’insécurité rampante est devenue comme un cancer métastatique sur l’ensemble du territoire.
En 30 ans de démocratie, le Mali a connu deux ruptures de la légalité constitutionnelle : en 2012 puis en 2020. Alors que le coup d’Etat est censé être un crime imprescriptible selon la Loi fondamentale en vigueur. Pour tout dire, la crise de la démocratie malienne a enfanté toutes les autres crises qui menacent l’existence de la nation!
La démocratie ne se limite pas à la construction des routes, à l’édification- comme ils aiment si bien les qualifier – des ‘’joyaux architecturaux’’ abritant les services publics ou à l’exercice des libertés publiques. Elle ne se limite pas non plus à des élections jugées crédibles et transparentes par les Partenaires techniques et financiers.
La démocratie incarne avant tout un système de gouvernance qui apporte du bonheur à la population, qui lutte contre les inégalités sur tous les plans et dans tous les domaines. Elle est aussi un système de gouvernance qui lutte contre les injustices, qui favorise une meilleure distribution de la justice. Elle est également ce système qui mène une lutte implacable contre l’impunité, une répartition équitable des ressources nationales.
Le dernier rapport annuel de Freedom House, un think tank américain indépendant qui mesure l’évolution des libertés publiques et de la démocratie dans le monde note un recul de la démocratie au Mali. ‘’Le Mali accuse le plus fort déclin mondial en 2020. Il perd 11 places et tombe au 111ᵉ rang, juste après le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Avec l’Algérie et le Burkina Faso, le Mali passe par ailleurs de la catégorie des «régimes hybrides» à celle des «régimes autoritaires», tombant aussi dans la liste des pays «non libres» de Freedom House’’.
Si le bilan des 30 ans de la démocratie malienne est globalement négatif, il faut faire en sorte que les prochaines années soient meilleures dans le domaine des affaires publiques avec l’émergence des nouvelles pratiques de gouvernance grâce à des mentalités plus porteuses et patriotiques. Il faut un nouveau type de citoyen malien plus porté vers l’intérêt collectif. Ce processus de reconnaissance de l’Homme malien plus discipliné et respectueux de la chose publique est vital et semble être le préalable à tout processus de construction nationale.
Les hommes honnêtes et intègres ont déserté le champ public en laissant le terrain libre à une caste de médiocres dont l’arrogance et l’insolence n’ont d’égale que leur incurie. Ils devraient impérativement sortir de leur silence coupable.
Chiaka Doumbia/Le Challenger