Entre Nous : Le temps d’agir !

Si l’esclavage persiste à Gao, à Kidal, à Tombouctou et dans certaines parties de la région de Mopti, la région de Kayes a enregistré ces dernières années des attaques très violentes. Les individus ou groupes d’individus qui rejettent l’appellation « esclaves » et tentent de défendre leurs droits, font l’objet d’attaques violentes. Des responsables d’associations anti-esclavagistes ne sont pas épargnés. Certains ont quitté leurs villages sous la menace. D’autres sont victimes d’autres formes de privations. Et avec souvent des morts d’hommes ! Des vidéos tournées dans certaines communes du cercle de Bafoulabé, dans la région de Kayes, ont choqué toute âme éprise de paix et de justice. Des scènes atroces, humiliantes et dégradantes ! Des atrocités commises au nom de ce système « d’esclavage par ascendance ».
Des dénonciations sont faites mais la réponse des autorités judiciaires et administratives n’est pas toujours à la hauteur de la gravité de la situation. Jusque-là, la machine judiciaire semble plus lente à s’engager dans la répression de ces atteintes graves à la dignité humaine et de ces violations flagrantes et graves des droits de l’homme qui constituent des crimes ou des délits selon la législation pénale.
Selon Alioune Tine, expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali et Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, « l’augmentation spectaculaire des attaques cette année montre l’incapacité flagrante du gouvernement à protéger sa population, en particulier celle qui souffre déjà le plus de la discrimination et de la violence ». Si pour Alioune Tine, « les attaques constantes et systématiques contre les personnes considérées comme « esclaves » sont inacceptables et doivent cesser immédiatement », Tomoya Obokata, estime que « de telles attaques vicieuses sont incompatibles avec une société inclusive » et ajoute, péremptoire : « Nous les condamnons dans les termes les plus forts ».
Le risque immédiat, si l’Etat ne s’assume pas pour circonscrire ce phénomène gravissime, est une possible récupération de ces tensions par les groupes armés extrémistes qui surfent sur des situations de ce genre. C’est pourquoi il faut vite agir, surtout que certaines zones de cette partie du pays commencent à enregistrer des attaques violentes des groupes armés extrémistes. Le 28 septembre dernier, cinq éléments de la Forsat de la gendarmerie qui escortaient un convoi d’une société minière ont été tués dans une attaque revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Le 11 septembre, deux routiers marocains et un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) ont perdu la vie dans des attaques similaires. Il faut des actions urgentes et vigoureuses sur plusieurs plans, de la part de l’Etat. Les autorités ne peuvent plus continuer à afficher une sorte d’indifférence vis-à-vis de cette situation. C’est le temps d’agir ! Car l’inaction de l’Etat pourrait déboucher sur des tensions, lesquelles tensions, nous le répétons à dessein, pourraient être facilement exploitées par les groupes armés extrémistes, pour créer une situation de belligérance entre les communautés. Gouverner, c’est prévoir !
Par Chiaka Doumbia/Le Challenger