Conflit et violences autour de la Mosquée As Salam de Moribabougou : L’Imam Dégoga sous mandat de dépôt pour violences et exactions !

Le souhait de suppléer à ses carences cultuelles, lors de certaines prières, par la désignation d’un second imam, a suffi à attiser la colère des partisans de l’Imam Moussa Dégoga de la Mosquée As Salam, située dans le secteur derrière rail du quartier de Moribabougou. Ce qui a conduit cet imam, soutenu par l’élu Pape Thiam, à inciter une frange de partisans radicalisés et chauffés à blanc, entraînant violences, voies de fait et exactions. Ce, en dépit des mises en garde de la justice qui l’a mis sous mandat de dépôt !
C’est ce mardi 21 décembre qu’après audition devant le Procureur de la Commune, l’Imam Moussa Dégoga ainsi qu’environ cinq (5) de ses complices ont été mis sous mandat de dépôt et déférés à la prison centrale de Bamako. Du coup, dans la nuit du mardi 21 et la journée du mercredi 22 décembre, des manifestants, partisans de l’Imam emprisonné, ont tenté de couper la route menant à Koulikoro qui traverse le quartier de Moribabougou.
Ce que les uns craignaient depuis bientôt deux à trois mois a fini par survenir : le conflit autour de la Mosquée As Salam de Moribabougou a dégénéré en violences. Les partisans radicalisés de l’Imam Moussa Dégoga et de Pape Thiam, adjoint du Maire de la commune ont attaqué et saccagé le domicile de Aladji Sangaré, situé juste en face de la mosquée au cœur du litige, emportant plusieurs biens (habits, bijoux, argent liquide, etc.), détruisant et cassant sa maison. Aladji Sangaré a un tort, aux yeux des badauds ameutés par Pape Thiam : celui d’être considéré comme l’un des partisans acquis au changement dans la conduite du culte au sein de la Mosquée.
Et pour cause !
Suppléer les carences et l’incompétence de l’Imam
Des affrontements avaient déjà eu lieu, le vendredi 19 novembre, quand les fils de l’imam et des badauds, conduits par l’élu municipal, Pape Thiam, avaient pris d’assaut les lieux pour casser portes et fenêtres et harcelant et chassant les fidèles, avant de cadenasser les portes du lieu saint.
Tout a commencé quand, face aux nombreuses lacunes de l’imam titulaire Moussa Dégoga, les responsables de la mosquée, organisés en comité de gestion comme partout c’est le cas ainsi que les notabilités, ont décidé qu’il fallait lui adjoindre un second imam, en charge d’officier la prière hebdomadaire du vendredi ainsi que les prières de l’aube et les deux dernières du soir où il faut articuler à haute voix. Ce sont ces trois moments de prière qui ont permis de savoir que l’Imam officiant avait de sérieuses lacunes, d’autant qu’il ne pouvait également faire le sermon du vendredi en arabe et le traduire ensuite en langue nationale, comme nombre de fidèles le souhaitaient. Mieux, aux reproches de problèmes d’articulation, Moussa Dégoga serait sujet à de fréquentes impasses sur certains passages de versets, lors de la récitation en prière. Face au constat des nombreuses lacunes de l’Imam, les autorités en charge de la gestion du culte musulman avaient estimé que « Moussa Dégoga n’a aucune compétence pour officier une prière de vendredi et les autres prières où on prononce à haute voix », comme souligner dans une correspondance adressée à qui de droit.
C’est pour toutes ces raisons que la commission a jugé nécessaire de lui adjoindre un suppléant, tout en le maintenant dans ses fonctions d’imam titulaire. D’ailleurs, le recours à un tiers imam, pour pallier à ce genre de difficultés, est également une pratique courante dans plusieurs mosquées et n’entrave en rien les responsabilités confiées au premier imam, considéré comme le véritable directeur titulaire du culte au sein de la mosquée concernée. Ce à quoi s’oppose catégoriquement l’imam contesté.
Il est donc important de souligner, contrairement aux déclarations de ses partisans, qu’il n’avait jamais été question de déloger l’Imam Dégoga, avant qu’il n’engage ses partisans dans la voie des exactions. Car, pour Dégoga, ces changements envisagés ne sont rien d’autre qu’une défiance envers sa personne et des tentatives de l’écarter. Ce que démentent nombre de fidèles que nous avons approchés et qui témoignent que des assurances du contraire lui avaient été pourtant données.
De fait, Moussa Dégoga est également accusé de tromperie par les autorités religieuses de Moribabougou qui dirigent les deux structures locales, représentant les organisations musulmanes, l’UMAMA et l’AMUPI, qui lui ont de ce fait retiré leur soutien.
Imam destitué par l’AMUPI et l’UMAMA
En effet, par une Lettre en date du 30 novembre 2021, signée des responsables locaux de l’UMAMA et de l’AMUPI, les deux faîtières du culte musulman ont décidé de « destituer Moussa Dégoga du poste de l’imam de la Mosquée As Salam de ladite localité ». Ces deux responsables locaux, également respectivement Grand Imam de la Mosquée de Moribabougou et Imam de la deuxième Moquée, estiment avoir « été trompés par les partisans de Moussa Dégoga qui disaient que le terrain sur laquelle est sise la mosquée est une propriété publique et non une propriété privée ». Il se trouve en effet que l’Imam contesté et ses partisans avaient fait croire au caractère public de l’espace. Les deux autorités locales du culte poursuivent leur lettre de destitution, en soulignant que « c’est sur la base de cette fausse déclaration (mensonge) que nous Président de l’AMUPI et président de l’UMAMA avons validé la nomination de Moussa Dégoga (comme) Imam de vendredi de la Mosquée As Salam ». Cependant, « après vérification dans le registre de la commune », il est apparu que « la parcelle sur laquelle cette mosquée est construite est enregistrée au nom » d’un tiers, promoteur de la Mosquée As Salam « depuis le 2 juillet 1997 et n’a subi aucun transfert » du titre de propriété au bénéfice des organisations faîtières de l’Islam. En conséquence, les autorités religieuses se voient contraintes de revenir sur leur décision de nomination, faite sur la base de tromperie et justement du fait qu’une « mosquée qui n’est pas placée sous l’autorité et la supervision de l’UMAMA et de l’AMUPI ne peut être gérée par ses deux institutions », expliquent les deux imams représentant les deux organisations du culte.
En conclusion, « Nous Moussa Santara, président de l’AMUPI et Bouya Cissé, président de l’UMAMA, par devoir religieux, nous sommes unanimes que la mosquée revienne de plein droit au propriétaire », expliquent les deux Imams de Moribabougou.
Ampliations avaient donc été faites de cette lettre au Procureur de la Commune I, au commissaire de la police et au Maire de Moribabougou, au Préfet de Kati, au chef de village de la localité ainsi qu’à Moussa Dégoga lui-même.
Quand la politique s’en mêle
En dépit de tout cela, l’imam contesté et ainsi désavoué par sa hiérarchie trouvera un puissant appui en la personne du nommé Pape Thiam, l’adjoint du Maire de Moribabougou. L’édile n’a ménagé aucun effort pour apporter son soutien à Moussa Dégoga. Il ira ainsi jusqu’à procéder à une décoration factice du directeur du culte, prérogatives d’ailleurs contestées par un proche du Coordinateur du Haut Conseil Islamique du Mali en charge de Kati et du District de Bamako.
Les partisans de Pape Thiam et de l’imam désavoué avaient mis un bémol à leurs prétentions, après une première mise en demeure judiciaire, faite par feue Mme Haby Diallo, l’ancienne et défunte Procureure de la Commune. Cependant, après le décès de la magistrate, l’élu communal et l’imam contesté ont battu le rappel de leurs partisans radicalisés et ont commencé à battre le pavé, en organisant des caravanes sonorisées à travers le quartier.
Très opportunément, l’Imam aujourd’hui en prison, l’édile et leurs partisans se réclament du Mouvement Yéréwolo, actuellement très engagé dans le soutien aux autorités de la Transition. Ainsi, l’Imam Dégoga se passerait pour un militant de première heure de cette mouvance, dont le soutien est réclamé par ses partisans afin d’exiger sa libération immédiate et son rétablissement dans ceux qu’ils considèrent comme ses droits. Reste à savoir si l’écervelé et ses partisans vont tomber dans le panneau d’une querelle autour du culte, où le terrestre l’emporte de loin sur le spirituel !
Jean-Baptiste Satono/La Révélation