Ouverture du dialogue pour la levée des sanctions : Les partenaires entre réticences et fermeté !

Entre posture de défiance persistante et hantise des conséquences des sanctions, sur fonds d’attermoiements, les proconsuls de Kati amorcent une timide ouverture de dialogue, dont pour l’heure les cadres ne parviennent pas à lever les préventions des partenaires.
Dialogue contraignant
C’est un communiqué du gouvernement qui l’annonce ce mercredi 9 février 2022 : « Dans le cadre de la poursuite du dialogue avec la CEDEAO, l’Union Africaine et la Communauté internationale concernant la conduite de la Transition, le Gouvernement de la République du Mali a mis en place un mécanisme de concertation pour soutenir cette dynamique ». Pour ce faire, le gouvernement explique avoir mis deux structures en place. La première, autour du Ministre des Affaires étrangères, aura à son menu « de faciliter le dialogue entre les parties prenantes et d’œuvrer à un rapprochement de positions et à la recherche de compromis sur les questions en suspens ». Ce ‘’Groupe de Dialogue au niveau ministériel’’ est composé des pays comme la Mauritanie, le Nigéria, la Sierra Léone, le Togo, mais aussi le Ghana et le Sénégal pour leur double présidence CEDEAO et Union Africaine en plus spécifiquement de ces deux institutions.
Le second ‘’Groupe de travail élargi’’ est censé réunir, autour du Ministre de l’Administration et celui Délégué à la Refondation, les représentants du Comité local de suivi de la Transition composé de la CEDEAO, de l’Union africaine, des Nations Unies, du Ghana et du Niger. Ce groupe devrait plancher sur « l’évaluation technique du projet de chronogramme de la Transition présenté à la CEDEAO ».
La démarche du gouvernement paraît déjà souffrir de tares, d’autant plus congénitales qu’elles relèvent des postures jusqu’au-boutistes observées par le Colonel Assimi Goïta dans ses relations avec la communauté internationale et sous-régionale. En effet, comme le souligne un observateur de la scène, les autorités n’ont guère ouvert le dialogue à l’interne avec les forces vives nationales, partis politiques et société civile, toujours exclues et qui ne paraissent pas associées à ce fameux mécanisme. « Mises à part les organisations qui en sont membres, ils (les Colonels de Kati) n’ont choisi que des pays qui apparemment leur sont favorables », souligne cet analyste qui s’interroge : « Dans une situation de crise et d’incompréhension avec la communauté internationale, devons-nous être les seuls à choisir ceux qui doivent participer ou non à la recherche de solutions ? »
Le choix de tels participants, au détriment de tels autres sur fond d’exclusions de toutes ressources internes autres que les seuls affidés du régime militaire, participe de toute évidence d’une volonté de diviser voire de brider la cohésion des partenaires. « La mise en place du mécanisme de recherche de solution à la bonne conduite de la transition me semble encore être de la diversion », est convaincu notre interlocuteur.
Car en effet, au terme du communiqué du gouvernement et du dispositif ainsi mis en place, l’impression est que ce sont les autorités actuelles qui fixent les règles du jeu à leurs conditions.
Réticences et résistances
Si les choses en restaient en l’état, cette démarche pourrait très vite éprouver ses limites à l’épreuve des termes des échanges pour une sortie de crise. Et pour cause, ni la CEDEAO, ni l’Union européenne encore moins l’Union africaine et les Nations Unies ne seront disposées à se faire dicter le cadre et la conduite du dialogue, par un gouvernement dont la marque visible paraît une attitude perçue comme faite d’incessantes provocations et surtout son peu de souci à tenir ses propres engagements.
De fait, les proconsuls de Kati ne paraissent guère empressés à rejoindre leur casernement du Camp Soundjata encore moins les bourgoutières autour de la Venise malienne où les attendent patiemment les talibés de Amadou Kouffa. Et la récente convocation du Conseil national de la Transition, l’organe législatif tout acquis à sa dévotion n’a pas rassuré sur les intentions du Colonel Assimi Goïta, au regard du menu de cette session extraordinaire, jugé abscons car destiné à raffermir la mainmise du Taiseux patron des Forces spéciales sur les leviers du pouvoir. Le CNT devrait certes plancher sur la suppression du poste de Vice-président et d’un certain nombre de membres du Gouvernement, tout en augmentant celui de ses propres membres, visiblement histoire d’attiser quelques convoitises pour davantage diviser immanquablement les partis politiques de l’opposition de fait. Mais au-delà des enrobages thématiques de son ordre du jour, le landernau ne se fait guère d’illusion : l’enjeu réel de cette session extraordinaire du CNT demeure « l’adaptation de la durée de la Transition aux recommandations des Assises Nationales de la Refondation dans le but de mener des réformes indispensables au retour à l’ordre constitutionnel ». Comme pour les assises nationales, il s’agit d’amener l’organe législatif à oindre la prolongation de l’onction légale, une stratégie du fait accompli constamment pratiquée à dessein par le Colonel Assimi Goïta. Notre confrère A. Kéita, dans la dernière édition de l’hebdomadaire Le Témoin, résume les enjeux de la session extraordinaire du CNT, convoquée par le Colonel Assimi Goïta : si le rapport des Assises Nationales de la Refondation « a retenu une durée mitigée de 6 mois a 5 ans… c’est bel et bien le plafond – et non le plancher -, qui sera proposé comme chronogramme de retour à l’ordre constitutionnel », relève-t-il. Il n’y a pas de doute sur ce chapitre : Assimi et ses amis n’ont aucune intention de lâcher la chose. Du moins pas si tôt !
S’achemine-t-on donc vers un blocage ? Car, à la volonté du gouvernement d’aller vite en besogne, les partenaires ont tôt fait de mettre un bémol de nature à rafraîchir les ardeurs des Colonels de Kati. Les acteurs de la communauté internationale sont bien disposés à trouver une issue à la crise et à lever les sanctions, mais à condition, rapportent les confrères, qu’« il faut sortir rapidement de la situation de non-constitutionnalité » actuelle, prévient Mamane Sidikou, le représentant de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, Misahel. « Il faut rapidement un chronogramme », insiste le représentant de l’Union africaine, choisi par le gouvernement comme participant aux discussions.
Le gouvernement persiste pourtant à ne pas démordre de ‘’son’’ chronogramme’’ de cinq ans, en ne proposant que « l’évaluation technique du projet de chronogramme de la Transition présenté à la CEDEAO », rejeté d’emblée par cette institution qui est suivie en cela par la quasi-totalité des organisations de la communauté internationale.
Bravades ou dialogue sincère ?
L’initiative serait-elle déjà dans l’impasse ? Les bases de la dynamique de dialogue paraissent a priori plombées. Quand par ailleurs, sur le plan national, la junte de Kati persiste dans sa volonté d’ignorer toute sensibilité non acquise de facto à sa cause, avec l’exclusion d’une frange importante de la classe politique et de la société civile, reléguée dans une opposition de fait jusque-là peu audible par le pouvoir militaire. Regroupée dans un ‘’Cadre d’échanges des partis et regroupements pour une transition réussie’’, cette frange exclue de toute concertation interne a annoncé, au cours d’une conférence de presse ce mercredi 9 février, sa ferme opposition à la démarche des militaires, soupçonnant tous les subterfuges tapis derrière les initiatives gouvernementales pour s’incruster au pouvoir.
Sous peine d’une non reconnaissance des autorités actuelles à partir du 25 Mars prochain, le ‘’Cadre d’échanges’’ invite plutôt le gouvernement à ouvrir des canaux de concertations autour des enjeux comme « l’adoption d’une nouvelle loi électorale consensuelle, la mise en place d’un nouveau CNT et d’une nouvelle transition avec un gouvernement de mission conduit par un Premier ministre neutre (ainsi que) l’adoption d’un chronogramme électoral pour l’élection présidentielle et les législatives pour la fin de la transition ».
Toutes abjurations réalistes, mais constamment ignorées, voire parfois réprimées par le pouvoir militaire comme ‘’tendant à affaiblir les institutions de l’Etat’’. Bien au contraire, le Colonel Assimi et son gouvernement multiplient les postures bellicistes et les bras d’honneur à l’endroit des partenaires. Une attitude d’hostilité, incarnée par le Premier Ministre Choguel Maïga qui, à l’occasion de la Deuxième Réunion d’Echanges avec le Corps Diplomatique le lundi 7 février dernier, lance avec défi aux diplomates réunis que « les décisions unilatérales et les annonces fracassantes… sont sans effet sur les dirigeants qui sont à la tête de l’Etat du Mali aujourd’hui ». Une bravade qui n’est certainement pas de nature à instaurer l’indispensable sérénité et lever les doutes des partenaires sur la solidité des dispositions au dialogue d’une junte visiblement peu soucieuse de sortir de l’impasse !
Jean-Baptiste Satono/La Révélation