Velléités de prolongation de la Transition : Vers une érosion des soutiens de la junte !

L’éventuelle prolongation de la Transition, dans les conditions envisagées par le pouvoir militaire, ne fait certainement pas l’affaire de tout le monde. En particulier, pour nombre d’éventuels postulants déclarés ou non et formations politiques, escomptant la mansuétude du Camp Soundjata pour thésauriser dans les urnes le gain de la tonitruance de leurs soutiens !
La rencontre du lundi 14 février 2022, entre une délégation du cadre d’échange des partis et regroupements de paris politiques pour une transition réussie au Mali et la direction de l’Adema, est un coup de semonce adressé à la junte de Kati. Même si l’ancien parti majoritaire conseille d’éviter tout radicalisme, le communiqué conjoint sanctionnant la rencontre et expliquant que « les échanges ont porté sur la situation nationale qui est extrêmement grave », constitue un discret mais ferme avertissement, à l’endroit des proconsuls.
La volte-face de Moussa Mara n’enlève rien aux enjeux post 25 mars, fin théorique du mandat confié à la Transition, le 25 mars 2021 de la prestation de serment et d’entrée en fonction des nouvelles autorités hybrides maliennes. L’ancien Premier ministre et président du Comité de planification stratégique (CPS) du parti Yélema, avait déclaré, le 11 février dernier, que « la déclaration faite par le Cadre, le jeudi 10 février, de ne pas reconnaître les Autorités de la Transition à partir du 25 mars 2022, n’est pas une bonne option pour (le) parti Yélema…(qui) se réunira dans les prochains jours pour voir clairement comment accompagner davantage les Autorités de la Transition pour une Réussite », en dépit de la volonté des militaires qui entendent davantage s’incruster au pouvoir. Cette position avait été fraîchement accueillie par ses alliés pour qui, l’ancien Chef de gouvernement de IBK ne dérogeait de toute façon pas à son inconstance habituelle, voire les incessants retournements de veste dont il est considéré sur l’échiquier comme coutumier.
Le Cadre des partis et regroupements pour une transition réussie avait décidé « de ne pas reconnaître les Autorités de la Transition, à partir du 25 mars 2022 », à la suite d’un atelier de réflexion sur les propositions d’actions pour la sortie de crise et un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal.
La rencontre de ce lundi 14 février apparait donc comme les prémisses de gestation d’un axe sinon de refus, à tout le moins de réserves quant à la volonté des Colonels de Kati de retarder considérablement leur retour dans les casernes. En effet, au-delà de la divergence de stratégie quant à la suite à réserver à un chronogramme, dont tout le monde est convaincu qu’il serait rallongé de façon substantielle, la rencontre a établi le constat d’une situation de difficultés croissantes, certes sécuritaires, mais davantage diplomatiques et surtout politiques, liées à la posture de Kati de ne pas tenir ses engagements d’un terme raisonnable de retour à l’ordre constitutionnel.
L’Adema, qui avait réservé sa participation aux activités du Cadre pour rejoindre sur le tard les ANR, n’avait pas tardé à être quasiment la première force politique majeure du landernau à désapprouver une durée de cinq ans que son Président Marimantia Diarra avait jugée inacceptable, en dépit de sa proximité avérée avec Kati.
Les points convenus ou d’accord de la rencontre, à la lumière du retour de l’Adema au sein du cadre, surpassent les divergences et signent le rehaussement du niveau des positions communes qui seraient adoptées, dans l’éventualité plus que probable d’une rallonge de la Transition. Les perspectives de cette prolongation ont autant élargi les bases d’une opposition de fait aux velléités d’incrustation au pouvoir des proconsuls qu’elles ont considérablement réduit les assises politiques de cette Transition. Car, au-delà de la classe politique que les militaires ont livrée systématiquement en pâture à une opinion chauffée à blanc, les autres sphères qui s’étaient engagées à leurs côtés ont considérablement refréné leur enthousiasme face au peu de lisibilité des postures adoptées par le Camp Soundjata.
Déjà, l’annonce faite depuis Accra, que la junte avait choisi le plafond de 5 ans, de la tranche de 6 mois à 5 ans proposée par les Assises nationales de la refondation, avait considérablement douché l’enthousiasme de la cohorte d’opérateurs économiques, afflués autour des proconsuls. Beaucoup d’entre ces soutiens opportunistes avaient entrevu la consécration potentielle d’un destin national à la faveur du pronunciamiento du 18 août 2020. Le silence pesant, consécutif à cette incertitude des termes transitoires, est plus qu’assourdissant du désappointement relatif aux perspectives envisagées, avant le 1er janvier dernier quand le Ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, annonçait depuis Accra que la junte avait présenté à la CEDEAO un chronogramme de… cinq ans !
Les fortes réserves liées aux incertitudes autour d’une échéance compétitive témoignent donc d’un front pour l’heure à l’observation et à la prudence.
Jean-Baptiste Satono/La Révélation