Contradictions maliennes face à la communauté internationale : Choguel et Abdoulaye Diop, incarnations de l’incohérence du pouvoir !

Les chefs du gouvernement et de la diplomatie malienne incarnent tous les deux les contradictions et les confusions de la posture belliciste des nouvelles autorités de Bamako, engagées dans un interminable bras de fer avec la communauté internationale. Et singulièrement le premier, réputé pour sa palinodie chronique et un habitué aux coups de Jarnac, dit-on d’opinion de connaisseurs !

« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent », soutient l’adage et l’hebdomadaire, Niger Inter Hebdo, dans son édition du 14 février dernier, est formel : le Premier Ministre Choguel Maïga et son Ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, sont des modèles en matière de ‘’girouette’’, pour évoquer leur net penchant aux retournements de veste soulignant ainsi leur sens consommé de l’opportunisme.

Choguel ou le syndrome caméléon

« La France est venue pour nous aider… » ; « Sans la France, on ne pourrait plus parler d’Etat au Mali…. » ; « La France n’est pas responsable de ce qui se passe chez nous… », entre autres morceaux choisis des propos tenus, il y a peu, par Choguel Maïga qui incarne pourtant aujourd’hui, la quintessence de la virulence diatribe anti-française qui a conduit à une quasi rupture des relations historiques entre le Mali et l’ancienne métropole. Même le Père Fondateur du Mali indépendant, Modibo Kéita, n’avait été aussi loin dans la séparation, lui qui avait pourtant demandé le départ des troupes coloniales françaises encore présentes sur les terres de l’ancien Soudan français. Autant de contradictions qui ressortent de la démarche d’un Premier Ministre dont apparemment la cohérence idéologique n’est pas le souci premier. L’homme est aujourd’hui le héraut thuriféraire de la junte de Kati, après pourtant avoir longuement brocardé, en la passant par le fil d’un langage savoureux, la ‘’soldatesque rampante’’ qu’il estimait avoir usurpé la lutte et le pouvoir du peuple. Si les multiples retournements de veste, dans lesquels il excelle avec un art consommé, lui valent la stridence vitupératrice de la Place de l’Indépendance comme aux bonnes et récentes heures de la contestation populaire du M5-RFP (qu’il a dévoyée sans sourciller), la posture du Premier ministre malien n’en assoit pas moins durablement une certaine culture du syndrome   qui creuse davantage la défiance du peuple envers son élite et même la chose politique, dont il est au demeurant un pur produit. On peut passer sous silence l’illégalité et l’illégitimité du Conseil National de la Transition et de ses membres, devant lesquels il a fait valider son catalogue de bonnes intentions (dont, pour Choguel, l’enfer est pavé !!!), des qualificatifs nourrissant une profonde inimitié, mise sous le boisseau d’une opportune convergence d’intérêts : la prorogation transitoire et ses effets immédiats sur les portefeuilles et les situations de rente créées.

Niger Inter Hebdo cite Tanguy Berthemet qui soulignait, à propos du Chef du gouvernement malien, en octobre dernier dans les colonnes du Figaro que « si la crise et les secousses qui déchirent la relation entre la France et le Mali devaient avoir un visage, ce serait sans nul doute celui de Choguel Maïga. Un concept à la mode le dirait clivant ».

Un homme sans conviction

Relativement e journal nigérien rappelle un parcours diplomatique et professionnel en dents de scie, qui ne fait pas du patron de la diplomatie malienne un modèle de cohérence encore moins d’éthique professionnelle. Et pour cause, le jeune et brillant diplomate malien avait été envoyé à Washington, comme représentant du Mali auprès de l’Organisation des Nations Unies par le Président Alpha Oumar Konaré. Pour mériter un tel privilège, dans lequel le népotisme avait joué un rôle majeur, Abdoulaye Diop créera et prendra la tête, comme président-fondateur, du comité de soutien aux actions du premier président de l’ère démocratique. C’est alors qu’il se mettra en tête d’élaborer un projet de Constitution, destiné à soutenir les velléités de 3ème mandat de celui qui se faisait pourtant qualifier de ‘’Professeur de la démocratie’’ en Afrique. L’affaire fera un flop magistral, car certainement mal emmanchée par des apprentis-sorciers auxquels le Président Konaré avait trop vite fait confiance au point d’oublier leur immaturité politique.

Visiblement, la fidélité n’est guère la tasse de thé encore moins la vertu première d’un jeune cadre à la dévorante ambition, quand Abdoulaye Diop verra, dans une providentielle proximité avec l’ancien fiston national, l’opportunité de se refaire une virginité, après une relative traversée du désert sous la décennie ATT qui avait alors succédé, dans des conditions controversées, à Alpha Oumar Konaré au détriment … de IBK. C’est donc à Karim Kéita qu’il doit son ascension au saint des saints, en obtenant sa nomination au prestigieux poste de Ministre des Affaires étrangères, après avoir rendu des menus services d’intermédiaire pour résoudre quelques récurrentes difficultés financières auxquelles faisait souvent face l’ancien et défunt président avant son arrivée à Koulouba.

Abdoulaye Diop, chantre de la partition

Et c’est à ce poste qu’il rendra le plus mauvais service à son pays, à la tête de la délégation malienne pour négocier et signer le fameux Accord d’Alger, dont même son mentor IBK, qu’il avait pourtant convaincu, finira par se résoudre à admettre le caractère sécessionniste. De fait, certains confrères n’ont pas manqué, la semaine dernière, de noter la très grande capacité à la mue du chef de la diplomatie malienne. Déjà à son retour à la chancellerie malienne, avec son entrée en juin dernier dans le gouvernement de Choguel Maïga, les observateurs s’étaient étonnés que la junte ait porté son choix sur un diplomate abhorré dans les milieux avertis que ses détracteurs n’hésitent pas à couvrir d’opprobre pour avoir été le maître d’œuvre du tristement célèbre et contesté Accord de paix issu du processus d’Alger.

Ce document n’a jamais fait l’unanimité au Mali, car ses conclusions ont fait l’objet d’un rejet massif au sein de l’opinion, certaines dispositions étant jugées comme attentatoires à l’unité du pays voire contenant les germes de la partition. Pourtant, l’histoire retiendra que c’est Abdoulaye Diop qui a négocié les termes de cet accord inique, en faisant croire au Président IBK que l’accord était équilibré pour l’amener à ordonner sa signature. Depuis, l’Accord d’Alger n’a jamais apporté l’apaisement attendu, conduisant plutôt au raidissement des mouvements armés qui n’entendent lâcher prise sur aucune des dispositions qui leur font la part belle, sur la voie de l’autonomie et des nombreux avantages financiers accordés à leur fantomatique Azawad, privilégié au détriment des autres parties du territoire national.

Une fâcheuse réputation qu’il trainera comme du souffre au point que, profitant du remaniement de mai 2019, IBK le remerciera en le larguant pour une petite sinécure que lui offrira Fatma Samoura, l’ex-diplomate et collègue sénégalaise aux Nations unies, reconvertie comme Secrétaire général de la FIFA.

De là, de ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop se retrouvera pourtant… directeur de cabinet du président de la commission de l’union africaine Mahamat Moussa Faki, une dégringolade de rang pour un ancien chef de la diplomatie ! Il n’empêche, les mauvaises habitudes ayant la vie dure, l’actuel patron de la diplomatie malienne ne semble guère avoir laissé de souvenirs impérissables dans les cénacles d’Addis-Abeba, sinon qu’on en garde encore des impressions passablement exécrables.

Abdoulaye Diop était connu jusqu’à la crise malienne avec la communauté internationale, pour sa ‘’francophilie’’, car il avait toujours jugé l’hexagone incontournable dans la lutte contre le terrorisme. Cette tendance à privilégier les intérêts de la France s’est nettement renforcée quand il était devenu le directeur de cabinet du président de la commission de l’union africaine Mahamat Moussa Faki. Mais il avait dû subrepticement quitté son poste, quasiment sur la pointe des pieds, à la suite d’accusations et « d’allégations de harcèlement, de discrimination et de corruption », ayant fait l’objet d’investigations par une commission sous la direction de Bineta Diop, mais dont le rapport d’enquête n’a pas été rendu public.

Comme pour dire que les différentes prises de position de Abdoulaye Diop obéissent davantage aux opportunités du moment qu’elles ne sont des postures dictées par l’éthique et les principes.

Réputation sulfureuse

Les deux personnalités qui incarnent aujourd’hui ont en commun de traîner des relents de sulfure. La récente affaire des logements sociaux, ayant durablement terni la réputation déjà passablement effilochée de Choguel Maïga, n’aura été que le couronnement de la réputation solidement établie d’une prédisposition à ne pas être trop regardant envers l’indu. A sa nomination, le Procureur Touré ne s’était guère fait faute de rappeler qu’attendait chaudement à l’instruction, pour enfoncer le clou, le dossier des fonds trop perçus de l’AMRTP ou de la colonie scolaire des enfants de cadres de l’Agence (dont le fils du pauvre du gardien des lieux).

Toujours d’après Niger Inter hebdo, certaines sources rapportent que, pour sa part, Abdoulaye Diop serait tenu en laisse par les Colonels de la junte, pour des affaires de prévarication que ceux-ci auraient déterrées et qu’ils utiliseraient contre lui. Une situation, à la limite du chantage, qui expliquerait le zèle  »jusqu’au bouliste » contre la CEDEAO et la France du diplomate que l’on connaît comme plutôt atteint du syndrome du perroquet, sinon assez fat, mais usant ces temps-ci d’un ton belliqueux et qui ne manque pas de contradictions. Parfois en effet, après avoir employé des mots durs contre la France et ses dirigeants, Abdoulaye Diop s’empresse d’accorder le lendemain une interview dans laquelle il fait pratiquement machine arrière en adoucissant considérablement ses propos de la veille. De quoi donner le tournis pour interpréter ses éléments de langage !

Toute chose qui n’a certainement pas échappé à maints observateurs pour qui son inconstance n’est pas un gage de succès diplomatique, quand de plus la faconde de Abdoulaye Diop paraît davantage inspirée de la Place de l’indépendance et des envolées enflammées et incendiaires du Mouvement extrémiste violent local, Yéréwolo Debout sur les Remparts. Ce qui le met en concurrence ouverte avec son roublard et surtout infatué Premier ministre pour rivaliser de surenchères et de diatribes.

Visiblement, la junte a misé sur le mauvais cheval ou l’a fait escient, dans le dessein du bras de fer actuel même si, in fine, Abdoulaye Diop a durablement perdu de sa superbe, mais davantage de sa crédibilité ou le peu qui lui en restait après son passage à l’Union africaine.

Apparemment, les mages de Sotuba veillent toujours sur un berceau d’illusions, sur lesquelles pratiques Abdoulaye Diop en sait plus d’un rayon…

Jean-Baptiste Satono/La REVELATION

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