Conférence sociale : l’échec !

Disons-le d’emblée tout net : la Conférence sociale qui devait aboutir à la signature d’un pacte de stabilité social s’est achevée dans la cacophonie en renvoyant l’image d’un peuple incapable de s’auto gérer.
À l’arrivée la situation est encore plus inextricable qu’au départ. Pour obtenir le chaos, il suffit de créer un environnement propice. Une mauvaise préparation scientifique en amont, une exécution technique défaillante et au final 139 recommandations dont certaines sont incompatibles les unes avec les autres, tandis que d’autres sont carrément irréalistes, le tout sans délais proposés ni de responsables désignés pour leur mise en œuvre.
Pire, c’est l’impossibilité pour le gouvernement d’accorder des hausses de rémunérations, en raison de contraintes réelles et fondées qui pèsent sur les finances publiques, qui expliquent en grande partie la tenue de cette conférence, alors dans ce contexte aboutir à 139 recommandations dont les incidences financières ne sont absolument pas connues, c’est plus que se moquer d’Assimi : c’est lui dire qu’il peut aller faire tailler ses pieds pour l’adapter aux chaussures qu’on lui a trouvées.
Comment en est-on arrivé à ce résultat calamiteux, ce mauvais cirque indigne du Malikoura ? La vision d’Assimi n’était certainement pas ce spectacle horrifique, cauchemardesque auquel les Maliens ont eu droit.
Balayons également d’emblée les simagrées d’usage lors de pareils évènements organisés par les pouvoirs publics au Mali. Le Premier ministre a discouru à l’ouverture, la ministre de la fonction publique a prononcé des mots ronflants et des concepts vides de sens que ses conseillers ont écrit pour elle ; l’ORTM a filmé l’ouverture et la fermeture de la conférence, les participants interrogés n’ont pas été avares en euphémismes et en circonlocutions. C’est le même cirque médiatique et performatif dont la substance se réduit à l’acte de dire que l’on a fait alors qu’en réalité, rien d’essentiel n’est sorti de tout ce vacarme.
On rassemble tout le monde, même le tout-venant, ceux qui sont représentatifs et ceux qui ne représentent qu’eux-mêmes, ceux qui sont qualifiés pour comprendre et ceux qui ne saisiront rien du tout, on leur accorder l’éternité pour se préparer, ceux qui ne sont présents que pour les per diemet les pauses repas et ceux qui ne ratent aucune occasion d’étaler leur ignorance.
Et, à la fin, on déclare que de manière inclusive et consensuelle, le gouvernement a réuni les partenaires sociaux dans le cadre de la réalisation de la vision du président et que désormais tout ira pour le mieux dans le pays. De qui croit-on se moquer ? Qui croit-on tromper en pareilles circonstances ? Certainement pas des Maliens qui sont plus que jamais désabusés par l’administration publique malienne et les auto-satisfecit prononcés à longueur de régime, de gouvernement par les pouvoirs publics de notre pays. La seule personne dont les organisateurs se sont moqués, la seule personne qu’ils ont trompée, c’est Assimi Goïta.
Donc, comment en est-on arrivé à ce résultat calamiteux ? On y est arrivé parce qu’au lieu de produire des travaux d’études de qualité en amont que les experts des parties prenantes auraient validées au préalable et dont les conclusions validées auraient été analysées et discutées au préalable également par chaque partie, les participants se sont retrouvés avec la sempiternelle formule de présentations de communications suivies de discussions en groupes.
Avec cette formule au lieu de consacrer du temps à trouver des voies d’accès vers l’apaisement du climat social, à partir d’éléments factuels sur lesquels toutes les parties s’entendaient, les participants se sont retrouvés à disséquer les contenus des communications qui n’apportaient pas les éclairages nécessaires à la prise de décision.
Alors les discussions et les prises à partie se sont éternisées sans pouvoir aboutir à des avancées. Tout le monde ayant droit à la parole, selon les principes de l’inclusivité et de la recherche du consensus, ceux qui ne savaient rien des matières en discussion ont eu tout le loisir de divaguer pour signaler ou justifier leur présence : après avoir mangé la soupe de l’accouchée, il faut bien avoir des mots gentils pour son nouveau-né.
Pourtant, la conférence sociale, qui a pris fin samedi 22 octobre 2022, était prévue pour se tenir depuis au moins janvier 2019. Ni le manque de ressources financières, ni encore moins le manque de temps ne peuvent expliquer ce désastre. Les documents préparatoires qui avaient été élaborés à l’époque sont à peu de choses près les mêmes qui ont été présentés aux participants.
Les thèmes et les nombres de groupes de travail sont demeurés identiques, de même que les mandats des groupes. De 2019 à 2022, plusieurs ministres de la fonction publique se sont succédé sans que les préoccupations exprimées par les participants aux ateliers préparatoires sur l’organisation de la conférence ou sur les informations préalables -que le gouvernement aurait dû fournir- ne soient prises en compte.
Les méthodes de travail qui ont également fait les mauvais jours du Mali Kôrô sont les mêmes avec lesquelles on veut construire le Malikoura. Ça ne marchera jamais !
A.S. Bagayogo/L’Oeil du Mali