La nouvelle constitution et la langue française au Mali : cet enfant né d’un viol

L’avant-projet de la Constitution rappelle dans ses premières lignes que le Peuple souverain du Mali est fier de sa diversité {culturelle}, {linguistique} et religieuse.

Le Titre II porte sur l’Etat et la Souveraineté. C’est ainsi que la langue française y est de nouveau consacrée comme langue d’expression officielle, comme telle elle s’impose à tous les services officiels de l’Etat. Il en résulte que certaines langues largement parlées au Mali gardent le statut de langue nationale, aspirant au statut de langue officielle, en occupant la deuxième marche du podium, un cran au-dessous de la langue française.

Cette langue française, résultat d’une histoire agitée de l’Afrique marquée par sa colonisation, est plutôt une langue véhiculaire permettant aux différents groupes linguistiques de communiquer entre eux. Il s’agit en fait d’un statut transitoire (je dis bien Transition) qui ne devrait en aucun cas faire ombrage et obstacle à ceux des langues nationales. Il est donc grand temps de jeter les bases pour la détrôner.

Mais lorsque la Constitution, mère des lois d’un pays souverain, reconduit cette intruse dans ses fonctions de domination, nous sommes loin du compte. Et pour cause, la plupart des sujets des anciennes colonies de France, notamment ceux du Mali, s’expriment plus aisément, et mieux, en français que dans nos langues nationales. Cette déchéance est le fruit d’un apprentissage à marche forcée à coup de cravache et de bâton.

Les objectifs pédagogiques de cette formation portaient essentiellement sur : la dépersonnalisation des enfants et adultes pour faire table rase de toutes leurs valeurs ancestrales ; l’assimilation de valeurs de substitution visant à civiliser l’indigène afin qu’il soit digne de ses « ancêtres les Gaulois » ; l’humiliation pour les moins doués par le supplice du « Bonnet d’âne » consistant à les affubler de deux plaques en forme d’oreilles d’âne. Ils sont ainsi conduits à faire le tour des classes de l’école et par la suite celui des concessions du village accompagnés des moqueries de leurs camarades de classe.

Une véritable entreprise de sanction sociale et d’humiliation tant pour l’élève que pour ses parents et cela aux yeux de toute la collectivité. L’imposition de cette langue étrangère a été la première étape de la perte des valeurs des peuples vivant dans les colonies françaises.

En réalité, cette acquisition des habiletés en langue française était un vecteur performant pour l’inoculation de la culture française. Elle est le résultat d’une agression et d’un viol qui ont engendré un enfant non désiré… pour parler socialement incorrect, il s’agit d’un enfant illégitime et pour faire court d’un bâtard.

Dans les yeux de ce bébé, ses géniteurs des colonies françaises revivent sans cesse le traumatisme des années d’humiliation, de brutalité et de viol sauvage. C’est ce drame et ce calvaire que les descendants des Gaulois qualifient de bienfaits de la colonisation. Au nom de cette prétendue mission civilisatrice, nous sommes tenus de payer à l’ex- colonie, et ce, depuis plus d’un demi-siècle, un impôt colonial exigé par la France sur les réserves financières de nos pays.

Il s’agit d’une aliénation culturelle doublée d’une spoliation économique qui a construit des fausses vitrines de prospérité dans certains pays voisins pour vendre le modèle français par ailleurs nocif pour les anciennes colonies. Ce n’est pas un fait du hasard que dans les Accords coloniaux, l’oppresseur insiste sur l’obligation de faire du français la langue officielle du pays et la langue pour l’éducation.

Le sujet est émerveillé par ce modèle, s’identifie au colon son tortionnaire et voue une admiration sans borne pour cette langue française au mépris de sa langue maternelle. Cet état s’apparente à une forme du Syndrome de Stockholm à l’état pandémique.

Selon certains experts, le cas de l’humanitaire Sophie Petronin, retenue en captivité au Mali pendant 4 ans par les djihadistes, en est une belle illustration. Elle estime avoir été bien traitée par ses geôliers et se serait convertie par la suite à l’Islam sous le prénom de Mariam.

Les sujets francophones ou « francofoles » atteints par ce syndrome s’identifient aux colons leurs tortionnaires et vouent une admiration sans limite pour cette langue française au mépris de leurs langues maternelles. C’est ainsi qu’ils ont une propension à rouler les « r » à l’instar des héritiers des Gaulois.

Allez donc comprendre pourquoi nous sommes réticents à envoyer nos propres enfants dans les écoles pilotes où l’enseignement est donné dans les langues nationales ? Rassurez-vous, je suis des vôtres. Vous et moi, avons besoin d’une thérapie de groupe pour nous affranchir de la tutelle française.

Sory Ibrahim Diabaté/Ancien fonctionnaire international/L’Oeil du Mali

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