Grogne autour du port obligatoire du casque :Les soutiens de la junte mettent en cause la moralité de l’opération !

Prémices d’un ras-le-bol plus profond ou flammèches de circonstance qui s’éteindront aussi vite qu’elles auraient été allumées ? L’entrée en vigueur, ce 1er décembre, du port obligatoire du casque pour les motocyclistes, fait débat en ce moment. Entre défiance généralisée sur la moralité de la mesure et refus de s’y soumettre, nombreux usagers se préparent à la castagne des contrôles et les autorités à faire face à leur première grogne d’envergure populaire ! Le baromètre serait intéressant pour connaître le niveau qu’atteindra le mercure de la popularité !

La junte vers une défiance populaire
Le casus belli majeur d’une Transition militaire qui a fait de la castagne son sport favori, au regard des multiples foyers de confrontations que les proconsuls de Kati n’ont cessé d’alimenter pour y solidement adosser et raffermir leur mainmise sur le pouvoir. Telle pourrait s’avérer être la mesure du port obligatoire du casque imposé, dès ce 1er décembre, aux usagers motocyclistes, comme l’a annoncé l’Agence Nationale de Sécurité Routière, ANASER, dans un message diffusé le 24 octobre dernier. L’entrée en vigueur du port obligatoire des casques est prévue pour Janvier 2023, mais l’effectivité de sa mise en œuvre débutera donc dès ce 1er décembre, par des contrôles routiers réguliers effectués par la Police et généralement par les gendarmes dans les milieux ruraux.
« Pendant qu’on devrait travailler à résoudre les vraies difficultés du pays, certains ministres s’amusent à prendre des mesures qui ne nous avancent en rien… Nous imposer le port obligatoire du casque pendant qu’on crève de faim ?… A quel commerçant a-t-on attribué le marché de ces casques ? Quels sont les dessous de ce marché ? Nous n’y comprenons rien ! », s’insurge Adama Diarra dit Ben le Cerveau, le leader du Mouvement extrémiste de soutien à la junte militaire, ‘’Yéréwolo Debout sur les Remparts’’. Surfant sur la grogne populaire en sourdine, Ben le Cerveau est particulièrement remonté contre la nouvelle initiative de Mme Dembélé Madina Sissoko, la Ministre des Transports et des Infrastructures, tutelle de la mise en œuvre de la mesure. Dans une mordante ironie, l’impétueux et controversé membre du Conseil National de la Transition, s’interroge de savoir s’il est opportun de cacher les visages (derrière les casques) dans un contexte de terrorisme où l’on devrait se préoccuper de les dévoiler et si en définitive la mesure n’aboutit pas plutôt à soustraire les terroristes de la vue. « Que voulons-nous en définitive : nous n’avons même pas de voies (carrossables – Ndr !) pour circuler, nous n’avons aucune visibilité (lampadaires et feux de signalisation défectueux – Ndr !)… Les marchés sont attribués de façon frauduleuse … », tient-il à enfoncer le clou, tout en précisant que certaines attributions de marchés ont tout de même été conclues bien avant l’arrivée de l’actuelle Ministre à la tête du département des Infrastructures.
De fait, la population n’entend pas déférer à cette injonction des autorités militaires, jugeant de son inopportunité dans un contexte de crise et de difficultés de toutes sortes pour faire face au coût de la vie. De plus, la population dénonce également la pratique de ‘’deux poids deux mesures’’ dans la mise en œuvre de la mesure, quand, le plus souvent, les porteurs d’uniformes (policiers, gardes républicains, gendarmes, militaires et assimilés) sont épargnés voire exonérés du caractère obligatoire du port des casques. En clair, tous ceux qui appartiennent aux forces de défense et de sécurité du pays refusent catégoriquement de porter le casque et certains d’entre eux exigent qu’à moins que ce soit l’Etat qui le leur fournit.
Du coup, les élèves et étudiants, sous la protection de la toujours puissante Association des Elèves et Etudiants du Mali, AEEM, en plus de souligner leur impécuniosité pour se doter de casque, s’insurgent contre la mesure et refusent de s’y plier tant que les porteurs d’uniformes n’y seront pas soumis comme tout le monde.

Dividendes sonnants et trébuchants
Sans attendre Ben le Cerveau, l’opinion paraît déjà convaincue, le plus souvent à bon droit d’ailleurs, que les autorités se commettent avec de véreux opérateurs pour imposer aux citoyens, en l’occurrence dans ce cas précis, le port des casques dont ils ont au préalable fait commande de stocks à des prix défiant toute concurrence pour les refourguer à des coûts prohibitifs au regard de celui d’acquisition.
La grogne sociale se nourrit en effet de défiance sur la moralité de l’initiative fondée justement sur des soupçons de collusion entre acteurs institutionnels et opérateurs économiques opportunistes. Toutes accusations de connivences que vient de renforcer le plus grand soutien des proconsuls du Camp Soundjata. « Qu’on nous dise d’abord à qui revient ce marché de casques et pour quelles raisons » le lui a-t-il été attribué, exige Adama Diarra dit Ben le Cerveau, jetant une ombre sur la moralité de l’opération. Prise de position opportuniste certainement, mais le membre du Conseil national de la Transition, qu’il est, est bien dans son rôle d’interpeller tout membre du gouvernement justement dans une matière sociale sensible par nature et au regard du contexte. Ecervelé et certainement agité et inconséquent dans certaines de ses postures, cependant la tête bien solide sur les épaules, quand bien même les récentes sorties de membres du Mouvement Yéréwolo se nourriraient-elles de rancœurs consécutives à des divergences de plus en plus profondes avec les mentors du Camp Soundjata.
La décision de Mme Dembélé remet en mémoire, la sortie, dans un passé récent, jugée tout aussi scandaleuse, un lundi 1er octobre 2012, du Général, à l’époque Lt-Col, Abdoulaye Koumaré, Ministre des Transports et des Infrastructures Routières pour le port obligatoire du casque, au cours d’une Transition également militaire, mais sous le sanguinaire Boucher de Kati.
En cette circonstance, l’implication du Ministre avait été d’autant plus maladroite qu’il avait poussé le zèle jusqu’à assurer que le coût du casque était de 15.000 Fcfa, alors qu’avant cette immixtion ministérielle, le casque revenait à seulement … 6.000 Fcfa, soit en dessous de la moitié du prix du Général Koumaré. Conséquence : le lendemain de cette sortie peu inspirée, une surenchère sur le prix du casque d’autant plus insupportable que la population n’avait pas manqué d’y percevoir un affairisme institutionnel à la hauteur de la boulimie prédatrice dont à l’époque la vox populi accusait le titulaire. Les usagers en avaient nourri le soupçon que le Ministre s’était probablement acoquiné avec un opérateur de la place, dont on savait qu’il avait au préalable importé une importante quantité de casques comme si, dans un système aux allures de délit d’initiés, il savait que les pouvoirs publics allaient imposer le casque, sinon qu’il avait convenu à l’avance de la mesure avec les autorités militaires d’alors.2012-2022 : dix après et presqu’à la même période (1er octobre 2012 – 24 octobre 2022), on assiste à un remake de la même pratique, sous toujours un régime militaire. De même, on se rappelle qu’en 2012, il avait également été prévu que la mesure entrait en vigueur, en janvier suivant de la nouvelle année, exactement comme dans le cas présent.
De toute évidence, l’opinion estime que c’est moins le salut du citoyen que les dividendes sonnants et trébuchants, en dessous de table qu’elles escomptent tirer de l’opération, qui préoccupent les autorités militaires de Kati.
La mesure est certes incontestablement salutaire, comme s’en justifient les autorités, qui participe de la protection davantage de l’usager. Mais elle paraît d’autant plus inopportune que les priorités du moment sont ailleurs, desquelles le pouvoir militaire n’a d’ailleurs pas peu contribué, sa gouvernance ayant valu moult confrontations dont la population paie le prix fort du coût excessivement élevé de la vie jamais égalé dans l’histoire récente du Mali.

Jean-Baptiste Satono/La Révélation

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