Front social : dialogue de sourds

La Charte de la transition avait fait de l’apaisement du climat social l’une des quatre priorités de la Transition. Pour y parvenir le premier gouvernement de la transition relança l’idée de la tenue d’une conférence sociale. Cette idée datait de 2019 déjà. De report en report la conférence annoncée s’est finalement tenue en octobre 2022. Elle fut un échec ! Et les conséquences de cet échec désastreux ne se sont pas fait attendre. Le front social est en ébullition alors même que la guerre fait rage plus que jamais dans le pays.

La bonne tenue de cette conférence sociale était aussi importante que celle des assisses nationales de la refondation. Elle devait aboutir à la signature d’un pacte de stabilité sociale. Plus de deux ans après le début de la Transition, aucun pacte n’est signé. Pire, aucune signature de pacte n’est en vue.

Le travail d’un ministre consiste à faire travailler. Le travail d’un ministre consiste à s’assurer de la qualité du travail qu’il a décidé de faire faire. À ce compte, la ministre de la fonction publique a très mal travaillé. À l’heure du bilan, les résultats sont catastrophiques.

Pour ne rien arranger à la situation, le gouvernement a fait adopter, en novembre, une loi de finances rectificative, qui consacre une augmentation vertigineuse des crédits de la présidence de la Transition. Les syndicats se sont alors dit qu’ils ne sont pas les maudits de la République.

Le tuyau de l’Etat malien est percé depuis belle lurette. Il n’y a pas de secret dans notre pays parce que l’Administration publique est poreuse et n’en garde un que dans la mesure où elle bénéfice de la prédation que l’on veut garder sécrète. Parce qu’également les prédateurs de la chose publique, convaincus de leur impunité, se précipitent presque toujours d’étaler les symboles de leur nouvelle puissance.

Alors, pendant que les nouveaux prédateurs font la java, le peuple a vu son pouvoir d’achat diminuer de plus de 15% à cause de l’inflation entre 2020 et 2022. Pour les couches les plus pauvres, c’est une perte de pouvoir d’achat de près de 40% parce qu’elles ont tellement peu que l’essentiel de leurs dépenses est alimentaire. Au Mali, chaque fois que le pouvoir change de main, au nom de mauvaises pratiques de gestion, les lieux et les pratiques de prédation ne changent pas, elles s’amplifient tout simplement.

Le soutien massif, fort, vocal dont les autorités de la transition faisaient l’objet laisse lentement mais sûrement la place aux murmures, aux critiques étouffées face à la dégradation de la situation économique des ménages et à l’impunité des crimes économiques. Deux ans de pouvoir. Un soutien populaire jamais observé au Mali. Un soutien public de la jeunesse africaine. IBK chassé du pouvoir pour corruption, affairisme et népotisme. Deux ans de pouvoir et aucune responsabilité située dans le pillage des ressources de l’armée ! Même avec la plus grande mansuétude du monde, on ne peut pas excuser ça ! Deux ans de pouvoir et les responsables des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2022 ne sont pas encore identifiés !

Pendant que le peuple était grisé par l’euphorie du prétendu changement, les mêmes acteurs qui ont participé activement dans l’ombre à la gestion des régimes précédents s’activaient pour que rien ne change. Les nouvelles figurent proéminentes, étant des rejetés de l’ancien régime, étaient pressées de se refaire une santé financière, elles avaient été écartées de la mangeoire, elles étaient affamées.

Pendant la famine, elles se sont adjoint quelques ventres faméliques, des jeunes dynamiques pleins d’énergie impatients d’avoir leur place au soleil, des jeunes pour la plupart sans une véritable formation académique ou de qualifications professionnelles avérées. N’ayant ni véritable projet transformateur et encore moins de compétences, ils en sont réduits à se reposer sur les mêmes fameux grands commis de l’Etat pour continuer à vivre sur le dos des Maliens. Alors, les syndicats constatant cela se disent qu’ils sont en droit de ne renoncer à rien, dusse le pays disparaître.

Bagayogo/L’Oeil du Mali